Un homme aux multiples casquettes
Lorsque l’on évoque William Ayache dans le paysage du football français, son nom ne résonne pas immédiatement avec les Girondins de Bordeaux. Pourtant, cet ancien international français aux 20 sélections a connu un passage, certes fugace, sous les couleurs marine et blanc. Un épisode court, mais pas inintéressant, qui illustre combien certains joueurs, même de renom, peuvent avoir une influence discrète, mais symbolique.
Natif d’Alger en 1961, William Ayache fait partie de ces footballeurs à la carrière aussi dense que nomade. Défenseur latéral de formation, il est surtout connu pour son passage au FC Nantes dans les années 1980, lors de l’âge d’or du club, puis pour sa participation à la Coupe du monde 1986 au Mexique aux côtés des Platini, Giresse et Tigana. Son palmarès est solide : deux titres de champion de France avec Nantes, un titre olympique avec l’équipe de France en 1984, et une réputation de joueur fiable et combatif.
Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a également porté pendant un court instant la tunique bordelaise. Et comme souvent dans le football, c’est dans les zones d’ombre que se cachent les histoires les plus intrigantes.
Une arrivée dans un contexte compliqué
Nous sommes en 1990. Le club des Girondins de Bordeaux vit une période agitée, bien loin de sa splendeur du milieu des années 80. Les finances sont fragiles, les résultats irréguliers, et l’équipe est en quête d’un nouveau souffle sous la houlette d’un Claude Bez fatigué et d’un effectif qui peine à retrouver de la stabilité. C’est dans ce contexte que William Ayache débarque au Haillan, à 29 ans, avec un bagage riche et l’espoir d’apporter son expérience.
Mais soyons honnêtes : son passage ne prend pas l’ampleur espérée. Tout juste 12 matchs disputés lors de la saison 1990-1991. Pas de but, pas de faits marquants spectaculaires, mais une présence discrète sur le flanc droit de la défense. On ne parlait pas encore à l’époque de « latéraux modernes », mais Ayache incarnait déjà ce profil : capable de monter balle au pied, discipliné dans les replis, altruiste dans l’effort.
Alors, pourquoi ce passage a-t-il été si bref ? Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Des blessures récurrentes, une concurrence relevée au poste (on pense à Michel Pavon, certes plus jeune mais déjà prometteur), et une équipe en constante réorganisation tactique ont probablement limité son impact.
Un joueur d’équipe avant tout
Ce qui marquait les esprits chez Ayache, c’était son attitude. D’un professionnalisme exemplaire, il n’était jamais le premier dans les journaux mais toujours irréprochable à l’entraînement. Plusieurs anciens coéquipiers ont d’ailleurs souligné sa faculté à motiver les troupes, même lorsqu’il n’était pas titularisé. Un joueur de vestiaire, diraient certains — et ça, dans une équipe qui cherche sa cohésion, ce n’est pas rien.
Dans une interview donnée à la radio locale en 2014, Ayache confiait au micro : « Mon passage à Bordeaux a été court, mais j’y ai trouvé un club passionné, une ville magnifique et un public exigeant. Ce sont parfois les expériences les plus brèves qui marquent le plus. »
Et à vrai dire, cela résume assez bien son empreinte chez les Girondins. Une note de passage, certes, mais empreinte de respect et de professionnalisme. Chose rare dans un monde où les noms brillants cherchent trop souvent la lumière.
Un pont entre deux générations
Pour ceux qui suivent la trajectoire de notre club, le début des années 90 ressemble à un tunnel. L’après-Bez, la descente administrative en 1991 pour raisons financières, la reconstruction sous l’impulsion de supporters fidèles et d’un centre de formation revitalisé… Ce contexte morose faisait de profils comme William Ayache, des repères pour les plus jeunes. Un pont discret entre la génération dorée des Giresse, Tigana, Thouvenel — et celle, montante, des Lizarazu, Micoud ou Dugarry.
Certes, Ayache ne restera pas gravé dans les annales du club au même titre que les héros nationaux ou les buteurs prolifiques. Mais il faut parfois regarder les maillons moins visibles pour comprendre ce qui soude un collectif, même dans la tempête.
Et après Bordeaux ?
Après ce passage éclair au FCGB, William Ayache poursuit une carrière nomade : Montpellier, Nice, Marseille… avant de raccrocher les crampons en 1995. Il entame ensuite une courte carrière d’entraîneur et se fait également connaître comme consultant dans les médias sportifs. Son regard technique, son franc-parler et son attachement à un football plus authentique sont alors salués.
Il est aussi l’un des rares anciens joueurs formés dans les années 80 à naviguer sans trop de faux-semblants entre le monde des anciens et celui des médias. Il sait d’où il vient, et il ne l’oublie jamais. Comme cet été 1990, à Bordeaux. Un chapitre discret, mais toujours assumé.
Un souvenir pour les puristes
Est-ce que William Ayache est une légende du club bordelais ? Non. En revanche, il incarne ces joueurs qui, par la force du métier et la dignité dans l’attitude, laissent un souvenir respectueux, et parfois même affectueux, chez certains supporters avertis. Il est de cette race de footballeurs qu’on ne cherche pas uniquement par leurs buts, mais par leur état d’esprit.
D’ailleurs, si vous avez connu le stade Lescure à cette époque, il y a fort à parier que vous l’avez aperçu longer la ligne de touche avec son regard concentré et son jeu sans fioriture. Il ne faisait pas de vagues, mais ne rechignait jamais au combat. Et dans une équipe secouée, cela avait, mine de rien, de la valeur.
Une anecdote bordelaise ?
Un ancien intendant du club, resté très discret, nous confiait que William Ayache était l’un des rares joueurs à venir débriefer après les séances d’entraînement. Un « passionné curieux », toujours prêt à discuter tactique ou condition physique autour d’un café. « Il savait qu’il ne serait pas là longtemps, mais il voulait comprendre le fonctionnement de la maison girondine. C’était un vrai professionnel. »
Ce genre de témoignage permet de saisir ce que le simple bilan en matchs joués ne dit pas. L’utilité d’un joueur ne se mesure pas toujours en statistiques.
Bordeaux, un passage express mais respecté
William Ayache n’aura joué qu’une saison à Bordeaux. Une parenthèse dans une carrière riche de clubs et d’expériences. Mais ce passage, même court, lui permet de faire partie de l’histoire des Girondins à sa façon. Dans un club qui valorise aussi les valeurs humaines – et qui n’oublie jamais vraiment ses anciens – c’est une sorte de reconnaissance invisible, mais tout à fait réelle.
Et pour nous, passionnés du FCGB et gardiens de sa mémoire au fil des décennies, ces figures discrètes méritent leur place dans les récits. Parce que finalement, les Girondins, ce n’est pas que des trophées, c’est aussi une multitude de visages, d’accents et d’histoires entremêlées.
Votre prochain trivial pursuit sur les Girondins de Bordeaux ? Glissez-y William Ayache, et regardez vos amis hésiter. Ceux qui savent, souriront.