Samuel Kalu : parcours contrasté au Girondins de Bordeaux

Samuel Kalu : parcours contrasté au Girondins de Bordeaux

Un espoir venu de loin

Quand Samuel Kalu débarque au Haillan à l’été 2018, c’est pour beaucoup l’une des recrues les plus excitantes de ce mercato. Âgé de 21 ans à l’époque, repéré au KAA La Gantoise en Belgique, le virevoltant ailier nigérian arrive en terre girondine avec dans les jambes une pointe de vitesse affolante, une grosse capacité de percussion et des inspirations qui rappellent parfois ses illustres compatriotes comme Jay-Jay Okocha.

Les Girondins de Bordeaux misent alors gros : environ 8 millions d’euros pour s’attacher ses services. Un investissement conséquent pour un club dont la gestion sportive et financière, à l’époque, commence déjà à montrer des signes de fragilité. Toutefois, l’espoir est bien réel. Kalu, c’est le symbole d’une jeunesse talentueuse, d’un projet rafraîchissant qui pourrait redonner du peps à une équipe tourmentée par les résultats en dents de scie.

Des débuts prometteurs

Le début de l’aventure bordelaise est plutôt convaincant. Dès ses premières apparitions, Kalu laisse entrevoir ses qualités : dribbles courts, prises de balle dynamiques, et cette capacité rare à porter le danger en solitaire dans le camp adverse. Les supporters s’emballent, les défenses adverses se crispent.

Lors de la saison 2018-2019, il inscrit 3 buts en Ligue 1 et délivre plusieurs passes décisives, tout en étant régulièrement aligné sur le flanc droit de l’attaque girondine. Parmi ses faits d’armes les plus marquants, ce but splendide contre l’OM lors d’un Classico de l’Atlantique enflammé, qui rappelle aux supporters que le Matmut Atlantique peut encore vibrer comme à l’époque du Parc Lescure.

Mais très vite, les choses commencent à se gripper.

Les blessures, l’adversaire invisible

Comme pour beaucoup de joueurs au profil explosif, la fragilité physique devient l’un des grands freins à la progression de Samuel Kalu. Trop souvent freiné par des blessures musculaires — ischio-jambiers, quadriceps, adducteurs — il enchaîne les absences et peine à retrouver une régularité dans ses performances.

Ces pépins physiques s’installent dans son parcours girondin comme un fil conducteur invisible. Le talent est là, indéniable, mais le corps ne suit pas. Entre 2019 et 2021, son temps de jeu devient erratique. Il alterne les titularisations et les bancs de touche, n’arrivant jamais à enchaîner plus de cinq ou six matchs au même niveau d’intensité.

Et dans un club où le climat sportif devient de plus en plus instable – entres changements d’entraîneurs et difficultés financières – ces absences deviennent des fardeaux aussi bien pour le staff que pour le joueur lui-même.

Un incident qui choque le football

Le 8 août 2021, le nom de Samuel Kalu fait de nouveau les gros titres, mais pas pour ses exploits sur le terrain. Alors qu’il participe à la première journée de Ligue 1 face à l’Olympique de Marseille, il s’effondre subitement en plein match. Le silence glacé qui s’abat sur le Matmut Atlantique à ce moment-là est à jamais gravé dans les mémoires des Bordelais présents ce jour-là.

Heureusement, plus de peur que de mal. Le joueur se relève et, contre toute attente, souhaite continuer la partie. Il sera finalement remplacé quelques minutes plus tard. L’épisode, bien que sans séquelle physique visible à court terme, laisse planer une ombre sur la santé du joueur et ouvre un débat légitime sur les conditions physiques des athlètes de haut niveau.

Un rôle de plus en plus intermittent

À partir de cette date, la trajectoire de Kalu s’inscrit dans une logique descendante. Son influence sur le jeu bordelais diminue sensiblement. D’autres joueurs, comme Rémi Oudin ou Hwang Ui-jo, prennent le relais dans l’animation offensive. À plusieurs reprises, Vladimir Petković, alors entraîneur de l’équipe, lui accorde sa confiance. Mais l’ailier n’arrive plus à retrouver le feu sacré de ses débuts.

Est-ce la conséquence des blessures à répétition ? D’un manque d’adaptation tactique ? D’une perte de confiance ? Très probablement un mélange des trois. Même les plus assidus supporters peinent à comprendre ce qui se trame. Certains parlent d’un gâchis, d’autres d’une simple parenthèse inaboutie.

Un départ dans l’anonymat

En janvier 2022, Samuel Kalu quitte les Girondins de Bordeaux pour rejoindre Watford, en Premier League. Ce transfert, estimé à environ 3,5 millions d’euros, illustre à lui seul le déclin de la valeur marchande du joueur. Partant presque en catimini, son départ n’émeut que peu de monde. Un contraste frappant avec les espoirs placés en lui trois ans plus tôt.

À Watford, il tente de relancer sa carrière dans un football plus physique, plus direct. Mais là encore, le miracle n’aura pas lieu. Peu utilisé, il poursuit une trajectoire difficile, entre blessures chroniques et manque de continuité.

Kalu, la symbolique d’une époque bordelaise

Au-delà des statistiques (86 matches sous le maillot bordelais, 9 buts), le passage de Samuel Kalu à Bordeaux reste symptomatique d’une époque trouble pour le club. Entre les promesses non tenues et les directions sportives incohérentes, de nombreux talents sont passés sans jamais vraiment s’imposer. Kalu n’est ni le premier ni le dernier à incarner cette dérive.

Pourtant, ceux qui l’ont vu jouer peuvent témoigner de ses éclairs de classe. Ce fameux crochet court pied droit, cette capacité à allumer une mèche sur une simple accélération, ou encore ses dribbles chaloupés dans la surface. Des bouts de génie trop épars, mais qui justifiaient en partie les attentes initiales.

Une personnalité discrète mais touchante

En dehors du terrain, Samuel Kalu n’a jamais vraiment défrayé la chronique. Ce n’est ni un provocateur, ni une grande gueule des réseaux sociaux. Il apparait dans les rares interviews comme quelqu’un de réservé, pieux, respectueux de ceux qui l’entourent. Une attitude qui force le respect, surtout dans un monde du football souvent parasité par les ego surdimensionnés.

Ce côté discret, couplé à sa fragilité physique, en a peut-être fait un joueur un peu oublié, mais pas forcément oublié de tous. Les puristes se souviendront sans doute de son but magnifique contre Saint-Étienne lors de la saison 2019-2020 : une frappe limpide du gauche en pleine lucarne, célébrée modestement mais digne des plus grands.

Le regard des supporters bordelais

Si vous interrogez dix supporters des Girondins de Bordeaux sur ce qu’ils pensent de Samuel Kalu, vous obtiendrez sans doute dix avis différents. Certains évoqueront une forme de gâchis, d’autres, une victime du contexte délétère du club. Certains auront encore en tête ses dribbles déroutants, ses fulgurances du bord de la ligne. D’autres n’en garderont qu’un souvenir diffus, celui d’un joueur qui promettait tant sans jamais tout à fait livrer.

Mais au fond, n’est-ce pas aussi cela, l’ADN des Girondins ? Ce mélange d’espoir, de talent, de poésies inachevées et de chemins à la croisée des destins.

Un nom inscrit dans l’histoire moderne du club

Samuel Kalu ne figurera sans doute pas dans la même catégorie que Giresse, Zidane ou Pauleta. Mais son passage à Bordeaux reste un chapitre à part entière de cette décennie tumultueuse. Il symbolise un football en transition, une époque où le club cherche encore ses repères, entre modernité et héritage, entre projets de trading et nostalgie des grandes années européennes.

Pour ceux qui aiment les Girondins, l’histoire de Kalu rappelle que le football n’est pas qu’une affaire de statistiques ou de trophées. C’est aussi une affaire de promesses, de frissons, de rendez-vous manqués mais sincères. Et en cela, Samuel Kalu aura bel et bien écrit, à sa manière, une page du grand livre bordelais.