Un port aux racines profondément ancrées
Le Port de Gujan-Mestras, niché sur la rive sud du Bassin d’Arcachon, n’est pas seulement un lieu de passage ou d’amarrage. C’est le cœur battant de l’ostréiculture locale depuis plusieurs siècles. Ici, tout respire la mer, le travail, le temps long et le savoir-faire.
Des dizaines de cabanes en bois aux couleurs parfois vives, souvent patinées par les embruns, s’alignent le long des ports de la commune. Car oui, Gujan-Mestras ne se résume pas à un unique port : ce n’est pas moins de sept ports qui forment l’identité maritime de cette ville, chacun avec son histoire, son atmosphère et ses personnages.
Un berceau ostréicole historique
Quand on parle d’huîtres du Bassin d’Arcachon, on pense souvent à Arcachon même ou au Cap Ferret… Et pourtant, c’est bien à Gujan-Mestras que l’ostréiculture a réellement pris son envol dès le XIXe siècle. La ville s’est transformée en centre névralgique de cette activité, et son développement économique s’est construit autour de la pêche, des tuiles chaulées et, bien sûr, de l’élevage des fameuses huîtres arcachonnaises.
Les premiers ostréiculteurs utilisaient des techniques artisanales, souvent transmises de père en fils. Aujourd’hui encore, le métier se vit comme une passion. Le calme apparent des ports cache mal la rigueur de la vie maritime : il faut se lever tôt, affronter les éléments et s’adapter sans cesse aux changements de marées et aux caprices du Bassin.
Les sept ports de Gujan-Mestras : un patrimoine à ciel ouvert
Pas besoin d’être ostréiculteur pour tomber sous le charme du chapelet de ports de Gujan. Ces lieux sont à la fois vivants, authentiques, et empreints de poésie. En flânant, on passe du ronron des moteurs de bateaux aux conversations joyeuses entre travailleurs du bassin, en traversant une série de petits mondes parallèles aux noms parfois chantants :
- Le Port de Larros, sans doute le plus emblématique, avec sa promenade aménagée, son chantier naval et ses dégustations d’huîtres en bord de quai.
- Le Port de la Hume, idéal pour les balades familiales, les couchers de soleil et l’apprentissage de la faune locale avec sa plage toute proche.
- Le Port de Meyran, dynamique, tourné vers la modernisation des installations ostréicoles.
- Le Canal, ouvrage majeur du XIXe siècle destiné à désenclaver économiquement Gujan et faciliter le transport des marchandises, un port au passé presque oublié.
- Le Port de la Mole et le Port du Canalot, plus confidentiels, mais tout aussi empreints de charme vierge et de quiétude.
- Le Port de Gujan, parfois considéré comme le « village » dans la ville, avec ses maisons typiques et ses cabanes qui semblent figées dans le temps.
Chaque port a ses recoins préférés par les photographes, ses terrasses où l’on déguste huîtres et vin blanc les pieds presque dans l’eau, et ses histoires de mer que l’on se chuchote entre générations.
Un savoir-faire reconnu et protégé
Le métier d’ostréiculteur à Gujan-Mestras exige plus qu’un réveil matinal et un ciré. Il faut composer avec les lois de la nature, les réglementations sanitaires strictes, et une volonté farouche de préserver la qualité. Les huîtres du Bassin sont connues pour leur chair fine, iodée, avec cette petite douceur en bouche qui fait toute leur singularité.
L’Institut du Goût Aquitain, basé non loin, accompagne les ostréiculteurs dans la valorisation de leur métier. Beaucoup se battent aujourd’hui pour obtenir une Indication Géographique Protégée (IGP) pour les huîtres Arcachon-Cap Ferret, et Gujan-Mestras est au cœur de cette dynamique.
L’avenir est là aussi : certaines entreprises locales testent des techniques plus écologiques de production, limitent l’usage du plastique dans les poches d’huîtres, et sensibilisent les visiteurs à la préservation du bassin et de sa biodiversité fragile.
À la découverte des cabanes ostréicoles
Vous n’avez pas réellement visité Gujan-Mestras tant que vous n’avez pas poussé la porte d’une cabane ostréicole. Certaines sont ouvertes au public, d’autres vous accueilleront sur rendez-vous. Là, dans une atmosphère simple et chaleureuse, vous pourrez déguster des huîtres fraîchement sorties de l’eau, accompagnées d’un verre d’entre-deux-mers bien frais.
Certaines cabanes se transforment l’été en lieux culturels : petits concerts acoustiques, expositions de photos sur la vie maritime, rencontres avec les gens du métier. Il n’est pas rare d’y croiser un ancien du village, un couteau à huîtres à la main, prêt à vous raconter comment il affrontait les tempêtes de novembre avec son père ou les surprises des grandes marées de printemps.
Un tourisme respectueux et curieux
Le tourisme à Gujan-Mestras n’est pas clinquant. Ici, on vient chercher l’authenticité, loin du tumulte d’Arcachon ou des plages trop fréquentées. Les visiteurs veulent comprendre, apprendre, observer. Ils viennent pour une vraie immersion.
La ville a mis en place des parcours découverte, des visites guidées organisées par l’écomusée de La Maison de l’Huître, ainsi qu’un sentier du littoral qui serpente autour des ports. Parfait pour prendre le temps d’apprécier le paysage, les odeurs d’iode et le va-et-vient des pinasses traditionnelles.
Et puis, si vous aimez vraiment les expériences qui sortent de l’ordinaire, pourquoi ne pas embarquer avec un ostréiculteur pour une demi-journée de travail ? Certains proposent ce type d’expérience aux visiteurs les plus curieux. Vous en ressortirez les bras fatigués, mais l’esprit léger — et quelques histoires salées pleines la tête !
Un lien naturel entre Bordeaux et le Bassin
À moins d’une heure de route de Bordeaux, Gujan-Mestras est un poumon vert et bleu pour les habitants de la métropole bordelaise en quête de nature et d’authenticité. Les Bordelais y ont souvent leurs petites habitudes : ici un ostréiculteur de confiance, là une paillote favorite, ou encore un marché local où on ne jure que par les produits du bassin.
Certaines figures bordelaises ne s’y trompent pas. Il n’est pas rare de croiser d’anciens joueurs des Girondins en goguette, venus prendre un bol d’air iodé ou acheter une bourriche à partager en famille… Le lien entre le FCGB et le Bassin, c’est peut-être aussi cette simplicité, cette fidélité à un territoire et à ses valeurs.
Un avenir à préserver
Gujan-Mestras évolue, son port se transforme, mais son âme reste intacte. Toute la difficulté, pour les années à venir, restera de faire cohabiter développement, tourisme, préservation de l’environnement et respect des traditions locales.
Des projets sont en cours pour moderniser certains équipements ostréicoles, favoriser l’accessibilité douce pour les visiteurs (pistes cyclables, navettes fluviales) et restaurer les zones humides autour du port. Une chose est sûre : ceux qui portent ces projets ont compris que l’identité gujanaise ne peut être dissociée de son activité ostréicole. Toucher aux ports, c’est toucher au cœur.
Alors la prochaine fois que vous songez à une escapade sur le Bassin, faites un détour par Gujan-Mestras. Pas seulement pour les huîtres (quoi que…). Mais pour entendre le chant du vent sur les mâts, le rire d’un ostréiculteur, les craquements d’une pinasse sous les pas. Vous découvrirez alors une autre facette de notre région : plus discrète, plus brute, mais infiniment authentique.
