Un nom presque oublié, une histoire à revisiter
Dans les méandres de l’histoire des Girondins de Bordeaux, certains noms résonnent comme des hymnes : Giresse, Tigana, ou encore Pauleta. Mais d’autres, moins connus du grand public, méritent eux aussi d’être remis en lumière. C’est le cas de Nordine Kourichi, défenseur central solide, discret mais ô combien précieux, qui a laissé une empreinte singulière au sein du club au début des années 80.
Pour ceux qui suivent le football sans remonter jusqu’aux archives VHS, le nom de Kourichi évoque peut-être plus l’équipe nationale algérienne que celui des Marine et Blanc. Et pourtant, son passage à Bordeaux, court mais instructif, s’inscrit dans une époque charnière — celle où les Girondins commençaient à se redresser après des années de disette sportive.
De Denain à Bordeaux : prise de repères
Originaire de Nœux-les-Mines dans le Pas-de-Calais, Nordine Kourichi est un pur produit du football ouvrier du nord de la France. Né en 1954, il fait ses premières classes à l’US Valenciennes-Anzin, club formateur pour de nombreux talents hexagonaux. Doté d’un physique costaud (1,87 m) et d’un bon sens du placement, il impressionne rapidement par sa capacité à lire le jeu. Son profil plaît aux recruteurs du sud-ouest, et c’est ainsi qu’il atterrit aux Girondins de Bordeaux en 1982, à l’âge de 28 ans.
À ce moment-là, le club commence à rêver de grandeur. Sous l’impulsion de l’ambitieux Claude Bez, le recrutement s’active, notamment pour renforcer une défense trop souvent poreuse lors des saisons précédentes. L’arrivée de Kourichi s’inscrit dans cette logique : il apportera une stabilité bienvenue à l’arrière-garde bordelaise aux côtés d’un certain Patrick Battiston, futur champion d’Europe 1984.
Une saison, des enseignements
La saison 1982-1983, unique campagne de Kourichi sous le maillot girondin, est souvent considérée comme une année de transition. L’équipe finit 3e du championnat, juste derrière Nantes et Monaco. Kourichi, lui, dispute 24 matchs de Division 1 cette année-là. Il ne marque pas, mais ce n’est pas ce qu’on attendait de lui.
Sur le terrain, son style rappelait celui des libéros d’antan : sûr de lui sans être spectaculaire, tranquille mais difficilement déstabilisable. Pas de tacles glissés à outrance ni de montées hasardeuses, mais des interventions propres, des relances courtes et efficaces, et une autorité naturelle dans les duels aériens. Une rigueur sans flamboyance dont les entraîneurs raffolent en coulisses, même si le grand public l’ignore souvent.
Malheureusement, sa carrière bordelaise ne connaîtra pas de seconde saison. En 1983, il quitte la Gironde pour s’engager avec les Servette de Genève, en Suisse. Était-ce un choix de l’entraîneur ? Une envie d’ailleurs ? Ou simplement une opportunité financière ? Les archives ne tranchent pas avec précision, mais une chose est sûre : il n’est pas resté assez longtemps pour devenir une légende, et pourtant…
Kourichi, l’Algérie et le Mondial 82
On ne peut pas parler de Nordine Kourichi sans évoquer sa carrière internationale. Car s’il a été discret à Bordeaux, il a été sur le devant de la scène en sélection algérienne. En 1982, la même année où il rejoint les Girondins, il participe à un moment historique : la première Coupe du Monde de l’Algérie, en Espagne.
Ce Mondial reste gravé dans la mémoire collective, notamment pour ce match retentissant : Algérie 2 – 1 Allemagne de l’Ouest. Un exploit retentissant, auquel Kourichi participe en tant que titulaire. Malheureusement, le tristement célèbre « match de la honte » entre l’Allemagne et l’Autriche privera l’Algérie des huitièmes de finale.
Une tragédie sportive, certes, mais aussi une reconnaissance internationale pour de nombreux joueurs, dont Kourichi. Dans l’imaginaire algérien, il fait partie de cette génération héroïque, symbole de fierté nationale. Ironiquement, cet épisode a peut-être éclipsé sa saison correcte à Bordeaux.
Le profil du joueur « travailleur de l’ombre »
Dans un football de plus en plus dominé par les figures médiatiques et les superstars, Kourichi fait figure d’anomalie. Peu de passages à la télévision, pas de coup d’éclat spectaculaire, et aucune rumeur sulfureuse en dehors du terrain. Un homme de devoir, tout simplement.
- Treize sélections avec l’équipe d’Algérie
- Une Coupe du Monde à son actif
- Des passages notables à Lille, Bordeaux, puis en Suisse
Il représente ces joueurs qu’un club comme Bordeaux sait utiliser intelligemment : cœur vaillant, sens du sacrifice, et acceptation de ne pas être sous la lumière. Est-ce qu’il aurait mérité plus de reconnaissance ? Sans doute. Mais cela semble aussi correspondre à son tempérament : réservé, concentré sur le terrain, discret en dehors.
Une trajectoire à l’image des années 80 girondines
La période 1980-1985 marque un tournant pour Bordeaux : montée en puissance, multiplication des investissements, et ambition de rivaliser avec les grands clubs français. Dans ce contexte, Kourichi est un maillon discret mais utile.
Son passage précède de peu l’âgé d’or des Girondins avec le triplé de titres en 1984, 1985 et 1987. Bien sûr, il ne faisait plus partie de l’équipe à ce moment-là, mais on pourrait dire que son intervention avait posé certaines fondations. Comme ce maçon dont on ne retient pas le nom, mais qui a coulé les premières pierres d’un édifice bientôt glorieux.
Lorsque l’on parle football bordelais, il est facile de ne se souvenir que des stars. Mais un club, comme une symphonie, a besoin de tous ses instruments. Et Nordine Kourichi, dans cette métaphore, serait ce violoncelle discret qui calibre l’ensemble sans jamais tirer la couverture à lui.
Quelques chiffres pour la postérité
Parce que l’histoire se chiffre aussi, voici quelques repères sur la carrière de Kourichi :
- 24 matchs en D1 avec les Girondins de Bordeaux (1982-1983)
- 13 sélections avec la sélection algérienne
- Participation à la Coupe du Monde 1982 en Espagne
- Clubs principaux : Valenciennes, Lille, Bordeaux, Servette Genève
Des statistiques simples, mais qui témoignent d’une carrière honorable pour un défenseur central de son époque.
Et aujourd’hui ?
Après sa retraite de footballeur en 1986, Nordine Kourichi n’a pas fait de vagues. Il s’est éloigné des projecteurs, préférant une reconversion loin des bancs de touche. Il a ponctuellement travaillé avec la Fédération algérienne de football, notamment comme conseiller ou recruteur, mais sans revendiquer un retour médiatique.
Un homme à l’image de sa carrière : constant, efficace et discret. Peut-être vit-il aujourd’hui tranquillement, loin du tumulte des projecteurs. Mais pour ceux qui s’intéressent aux rouages d’un club, à ses hommes de l’ombre, il est essentiel de se souvenir que les succès d’un groupe reposent aussi sur les épaules de ceux qu’on voit peu.
Souvenons-nous de ces figures oubliées
Bordeaux a vu passer de nombreux talents, des stars internationales aux purs produits du cru. Nordine Kourichi fait partie de ceux qu’on n’évoque plus dans les discussions de comptoir, mais qui mériteraient pourtant un encart au Panthéon des travailleurs du rectangle vert.
Peut-être que la prochaine fois que vous visiterez le Stade Chaban-Delmas (ou son successeur), vous penserez à ceux qui ont, un jour, porté ce maillot avec bravoure, même brièvement. Car derrière chaque épopée, il y a des histoires discrètes qu’il nous revient de raconter… et d’honorer.