Un nom pour l’histoire : Jean-Louis Triaud
Quand on évoque les figures de proue des Girondins de Bordeaux, Jean-Louis Triaud s’impose naturellement comme un pilier. Ce nom, familier dans les travées du stade Chaban-Delmas puis du Matmut Atlantique, résonne encore dans les cœurs des supporters. Patron emblématique du club pendant près de deux décennies, Triaud n’était pas seulement un président : il était, avant tout, un passionné.
Et si son nom vous dit quelque chose au-delà du foot, ce n’est pas un hasard. Héritier de la célèbre maison de vins bordelaise Château Saint-Pierre, Jean-Louis Triaud incarne ce lien intime entre la tradition girondine, l’amour du ballon rond et le savoir-faire du terroir bordelais.
La passion du maillot : un président pas comme les autres
Installé à la tête du FC Girondins de Bordeaux en 1996, Jean-Louis Triaud a rapidement marqué les esprits. À une époque où le football professionnel s’industrialise à grands pas, lui préfère rester fidèle à un certain esprit “à la bordelaise” : discret, efficace, et fier de son identité.
Triaud n’était pas le président bling-bling amateur de coups médiatiques. Non. C’était un homme de terrain, capable de prendre la parole avec franchise, parfois avec un humour bien à lui, mais toujours en défense de son club. Il n’hésitait pas à dire ce qu’il pensait, parfois à contre-courant, mais c’est ce qui rendait ses prises de parole si savoureuses pour les supporters et les journalistes.
Son style ? Sobre mais clairvoyant. Ses conférences de presse faisaient souvent mouche. Il alliait le franc-parler d’un Bordelais pur jus à la stratégie d’un patron averti. En cela, Triaud est resté fidèle au club : exigeant sur les résultats, mais sans jamais renoncer aux valeurs d’élégance et de loyauté qui caractérisent les Girondins.
Des succès marquants : une présidence au palmarès solide
Si Jean-Louis Triaud est souvent salué avec nostalgie par les supporters, ce n’est pas uniquement pour son attachement au club : son bilan sportif parle pour lui.
- Champions de France en 1999 et 2009
- Finalistes de la Coupe UEFA en 1996
- Vainqueurs de trois Coupes de la Ligue (2002, 2007, 2009)
- Coupe de France en 2013
Impossible d’oublier la formidable épopée de 2008-2009, orchestrée par Laurent Blanc. Cette saison-là, les Girondins ont écrasé la concurrence en Ligue 1 avec une série record de victoires en fin de saison, offrant à leur président son deuxième titre de champion national. Le Matmut Atlantique n’existait pas encore, mais Chaban-Delmas vibrait comme jamais.
Mais au-delà des trophées, c’est la gestion équilibrée du club, sa capacité à maintenir les Bordelais dans le haut du tableau sans extravagances financières, qui impose le respect. Triaud connaissait les réalités économiques du football et savait composer habilement entre ambition sportive et prudence budgétaire.
Des joueurs marqués à vie par cette ère
Il n’est pas rare d’entendre d’anciens joueurs parler de Jean-Louis Triaud avec émotion. Fernando, Chamakh, Planus, Ulrich Ramé, et même des figures comme Zinedine Zidane – qui a connu les Girondins juste avant l’arrivée de Triaud – ont baigné dans l’atmosphère sereine instaurée par ce dirigeant stable.
En coulisses, Triaud savait créer un climat de confiance. Il n’était pas intrusif, mais toujours disponible. Il valorisait l’humain autant que la performance. C’est peut-être pour cela que tant de talents ont émergé ou éclaté à Bordeaux durant sa présidence : la sérénité était propice à l’épanouissement des joueurs.
Et n’oublions pas sa relation avec Ricardo, Michel Pavon, ou encore Elie Baup, autant d’entraîneurs qui ont bénéficié de son soutien sans faille durant leurs périodes respectives.
Un homme de vin, un homme de valeurs
L’histoire de Jean-Louis Triaud ne se résume pas qu’aux pelouses vertes. À Bordeaux, impossible d’échapper au château Saint-Pierre, domaine viticole dont il est l’un des héritiers. Cette double casquette – viticulteur et dirigeant sportif – illustre bien l’ADN bordelais : tradition, excellence et ancrage territorial.
Son quotidien était rythmé par les saisons du vin autant que par les saisons footballistiques. Et cette expertise de l’assemblage semble lui avoir été utile dans la composition des effectifs girondins : mêler expérience, jeunesse, tempéraments, toujours à la recherche du bon équilibre.
Quand on lui demandait comment il jonglait entre ses deux passions, il répondait souvent avec la malice qui le caractérise : « Le football, c’est un peu comme le vin. Faut du temps, de l’amour, et surtout un bon nez ! »
Une sortie en douceur, à l’image de l’homme
En 2017, après 21 ans au service du club au scapulaire, Jean-Louis Triaud tire sa révérence. Un départ discret, presque à contrecourant de l’époque, à l’instar du personnage. Pas de show, pas de déclaration fracassante, simplement un passage de témoin.
Il avait déjà quitté une première fois la présidence en 2002, avant d’y revenir en 2004. Mais en 2017, cette fois, le temps était venu pour de bon. L’ère M6 touchait lentement à sa fin, et un nouveau cycle allait s’ouvrir pour les Girondins, non sans turbulences.
Pour beaucoup, il n’a jamais été pleinement remplacé. Ses années à la tête du club font aujourd’hui figure de repère, une sorte d’époque bénie où les Girondins perpétuaient un savant mélange de rigueur, d’élégance et de résultats.
Mais alors, pourquoi une telle empreinte dans les cœurs ?
Ce qui fait la force de Jean-Louis Triaud, ce n’est pas uniquement son palmarès. C’est la mémoire collective qu’il incarne. Celle d’un président bordelais dans l’âme, fidèle à son club, discret mais bienveillant, solide dans les tempêtes comme dans les succès.
Un président qui a su faire confiance, parfois à contre-courant des modes de gestion modernes. Un homme qui, lorsqu’il prenait la parole, disait ce qu’il pensait, quitte à froisser quelques égos. Mais toujours avec la classe qui sied à un Bordelais.
Il reste à jamais lié aux heures dorées des Girondins. Dans une ville comme Bordeaux, où le vin, la culture et le football sont autant d’art de vivre, Jean-Louis Triaud a su créer un style de présidence à part. Un style… à la Triaud.
Alors, quand un supporter lance un “Allez Bordeaux !” avec nostalgie, il y a fort à parier que le visage de Jean-Louis Triaud n’est jamais bien loin. Parce que, au fond, certains dirigeants marquent plus que des saisons : ils marquent les époques.