Gilbert Bodart au Girondins de Bordeaux : l’expérience belge

Gilbert Bodart au Girondins de Bordeaux : l'expérience belge

Un vent du Nord souffle sur les cages girondines

Quand on évoque les passages marquants dans l’histoire des Girondins de Bordeaux, quelques noms de gardiens s’imposent naturellement. Dominique Dropsy, Ulrich Ramé, Gaëtan Huard ont marqué les esprits par leur longévité et leurs prestations. Mais il serait injuste d’oublier le passage, certes plus bref, mais non moins étonnant d’un certain Gilbert Bodart. Un gardien belge au tempérament bien trempé, à la moustache aussi légendaire que ses arrêts. Retour sur une expérience atypique au cœur du Bordelais.

L’été 1996. Bordeaux vient tout juste de s’extirper de la seconde division avec son lot de promesses, d’ambitions retrouvées… et aussi de quelques inconnues. Un nouvel entraîneur, Slavo Muslin, débarque avec à la fois des idées et un besoin urgent : sécuriser l’arrière-garde. Entre les cadres vieillissants et l’instabilité des dernières saisons, il fallait un leader entre les poteaux. C’est alors que le nom de Gilbert Bodart surgit.

Une figure bien connue en Belgique

Avant d’enfiler le maillot au scapulaire, Gilbert Bodart brillait depuis plus d’une décennie en Belgique. Gardien numéro un du Standard de Liège, il est une véritable icône dans son pays. International (12 sélections), participant à la Coupe du Monde 1990 en Italie, Bodart jouit d’une solide réputation d’homme de vestiaire… et de caractère. Pas exactement le profil du gardien discret qui murmure à ses poteaux – non, Bodart est plutôt du genre à hurler, à galvaniser et à faire trembler ses défenseurs autant que ses adversaires.

Sa venue à Bordeaux, à près de 34 ans, répondait à un besoin d’expérience. L’idée était claire : sécuriser l’arrière, rassurer tout un collectif en reconstruction. Et si son arrivée en Gironde a surpris bon nombre de supporters, elle apportait ce que l’effectif cherchait désespérément à ce moment-là : de l’assurance et du leadership.

Une saison 96-97 en montagnes russes

Le passage de Gilbert Bodart à Bordeaux se résume à une saison… mais quelle saison ! Entre coups d’éclat et déconvenues, le belge a incarné cette année un brin chaotique, à l’image d’une équipe girondine qui tâtonnait.

Si le club achève la saison 1996-1997 à une modeste 16e place en championnat, le portier belge n’a pas été le maillon faible, bien au contraire. Avec un total de 30 matchs disputés en D1, Bodart multiplie les arrêts décisifs. On se souvient encore de cette prestation pleine face au FC Nantes, où ses parades avaient tout bonnement sauvé le point du match nul. Anecdote amusante : lors de cette rencontre, alors qu’un penalty est sifflé contre Bordeaux dans les arrêts de jeu, Bodart devance le penalty-taker nantais avec un regard provoquant et une phrase bien sentie en français à l’accent liégeois : « Vas-y, fais-moi rêver ». Le tir finit sur la barre. Coïncidence ? Peut-être pas.

Le charisme de Bodart transparaît alors dans les commentaires d’après-match. Il n’est pas rare de le voir asséner des vérités crues face caméra, ou recadrer ses jeunes coéquipiers depuis la ligne de but. Résultat ? Une ligne défensive plus disciplinée, parfois tendue, mais tenue.

Bordeaux à l’épreuve de la transition

Cette saison 1996-97 des Girondins se déroule sur fond de mutation. L’équipe qui a brillé en Coupe UEFA deux ans plus tôt avec Zizou et Dugarry est peu à peu en train de se métamorphoser. Beaucoup de jeunes espoirs, un coaching étranger encore en rodage, des performances irrégulières… dans ce contexte, Bodart joue un rôle de stabilisateur. Pas toujours avec finesse, mais toujours avec engagement.

Ce qui est marquant, c’est à quel point Gilbert Bodart s’est fondu dans la culture bordelaise malgré son passage éclair. Amoureux de bonne chère – on l’apercevait parfois le soir du côté des Chartrons – il appréciait visiblement les vins locaux. Il n’était pas rare de le croiser attablé dans un bistrot, discutant ballon avec les supporters, une mentalité populaire qui lui a valu rapidement une certaine affection malgré les résultats en dents de scie.

Un départ discret, un souvenir vif

Bodart ne fera qu’une saison en terre girondine. Reparti en Belgique en 1997 pour retrouver le Standard de Liège puis poursuivre avec d’autres clubs du Plat Pays, son aventure bordelaise aura été courte mais marquante.

Discret au moment de son départ, il n’a jamais renié son passage à Bordeaux. Dans une interview accordée des années plus tard à la RTBF, il déclarait : « Bordeaux reste un club que j’aime. Même si je n’y suis resté qu’un an, je m’y suis senti vivant, respecté, et j’ai adoré l’ambiance du Stade Chaban-Delmas. »

Il faut dire que le public bordelais lui rendait bien. Malgré le faible nombre de clean sheets cette saison-là, les supporters reconnaissaient en Bodart un homme de principes, intègre, qui n’a jamais cessé d’être impliqué, match après match. On peut d’ailleurs entendre son nom parfois cité dans les discussions de passionnés, à l’instar des « anciens » dont le souvenir jaillit avec une simple conversation au bistrot.

Un regard sur le style « Bodart » : pas de fioritures

Gilbert Bodart, c’était tout sauf un gardien moderne au jeu de pied léché. À une époque où les relances au sol commençaient à pointer le bout de leur nez, lui persistait avec ses dégagements puissants. À l’ancienne, diraient certains. Mais c’est justement ce côté old school qui lui donnait du charme. Un vrai gardien à l’instinct, qui ne craignait pas de sortir au-devant des attaquants, quitte à prendre des coups.

On se rappelle notamment d’un match houleux à Auxerre, où Bodart avait été impliqué dans une échauffourée après une sortie jugée trop musclée sur Stéphane Guivarc’h. Résultat : carton jaune pour le Belge et discussions enflammées dans les tribunes. Mais c’était ça, Bodart : entier, sans calcul, avec un sens du sacrifice indiscutable.

Une figure parmi les « exotiques » du scapulaire

Dans l’histoire des Girondins, plusieurs joueurs venus d’ailleurs laissent un goût particulier. Wendel, Fernando, ou bien sûr Jussiê ont été des Brésiliens adoptés par le peuple bordelais. À leur manière, ils ont laissé une trace dans le club. Bodart, en bon belge abrasif, s’inscrit dans une autre catégorie : celle des « importations de caractère », ceux qui n’ont peut-être marqué statistiquement qu’une saison ou deux, mais dont on se souvient avec sourire et respect.

Le football moderne regorge de passages éphémères, de joueurs voyageurs qui enfilent les maillots sans vraiment s’y attacher. Bodart, lui, a laissé un écho. Et si sa moustache aujourd’hui a laissé place à d’autres mythes du club, elle trône toujours quelque part dans la mémoire collective des supporters du virage Sud.

Gilbert Bodart : une tranche de passion belge en terre girondine

Les Girondins de Bordeaux ont toujours été un club qui osait : recruter un Zidane méconnu, confier les rênes à un Ricardo autoritaire, faire confiance à des profils venus d’horizons inattendus. L’expérience Gilbert Bodart en est une parfaite illustration.

Un cocktail d’instinct, de caractère, et d’humanité. Dans une période trouble pour le club, il a apporté ce supplément d’âme, parfois trop rugueux pour certains, sincère pour d’autres, mais jamais tiède. À une époque où les gardiens deviennent des libéros modernes, Bodart nous rappelle une autre vision du poste : celle de l’ultime rempart, l’homme que rien ne fait douter, surtout pas un penalty mal tiré à la 93e minute.

Alors, la prochaine fois que vous vous baladerez sur les bords de la Garonne et que vous croiserez un fan des Girondins, posez-lui la question : “Tu te souviens de Bodart ?” Vous verrez, son visage s’éclairera sûrement d’un petit sourire complice. Preuve que certains souvenirs, même brefs, ont une drôle de manière de s’ancrer dans les histoires locales.