Un quartier qui a du caractère : bienvenue aux Chartrons
Situé en bord de Garonne, au nord du centre historique de Bordeaux, le barrio des Chartrons — parfois affectueusement surnommé le « village des bobos » — est un petit coin de la ville qui ne cesse de faire parler de lui. Son charme ? Une combinaison raffinée entre passé marchand, authenticité artistique et ambiance cosmopolite. Loin des clichés du luxe tapageur, ce quartier incarne plutôt une élégance libre et désinvolte. Oui, c’est le genre d’endroit où l’on sirote un café bio en admirant une galerie d’art contemporain. Mais le cliché s’arrête là, car les Chartrons ont de la profondeur, et ils ont une histoire.
Une histoire ancrée dans le vin… et les planches en bois
Pour comprendre les Chartrons aujourd’hui, il faut remonter au XVIIe siècle. C’est ici que se sont installés les négociants en vin, venus de toute l’Europe — Allemands, Anglais, Néerlandais — qui firent du quartier le cœur battant du commerce bordelais. Les larges entrepôts, aujourd’hui réhabilités, rappellent encore cette époque où Bordeaux expédiait ses crus vers les quatre coins du monde.
Quand on se promène le long des quais ou dans la rue Notre-Dame (attention, rien à voir avec la cathédrale de Paris), on devine encore cette âme marchande, mais avec un accent plus arty. De nombreuses caves, jadis pleines de barriques, accueillent désormais des showrooms design, des ateliers de créateurs ou des librairies indépendantes. Une belle façon de faire revivre l’esprit commerçant sans trahir son passé.
Un repaire de bons vivants… pas seulement hipsters
Les Chartrons ne se résument pas à des barbus à vélo fixie sirotant des IPA dans des verres en verre recyclé. (Même si, soyons honnêtes, ils sont là aussi.) Ce qui rend le quartier si attachant, c’est cette diversité d’acteurs — familles, étudiants, artisans, touristes, riverains de toujours — qui cohabitent dans une ambiance décontractée.
Côté gastronomie, le quartier n’est pas en reste. Quelques adresses valent le détour :
- Magasin Général aux Halles de Bacalan : parfait pour un brunch locavore avant de partir flâner.
- La Distillerie : bar caché au style speakeasy, pour vivre l’apéritif autrement.
- Le Bistrot Régent Chartrons : formule classique mais efficace, pour les nostalgiques du canard et des frites allumettes.
- Symbiose : entre innovation culinaire et mixologie d’auteur. Une pépite du quartier.
Sans oublier bien sûr le Marché des Chartrons le dimanche matin : véritable institution. Un endroit idéal pour croiser un ancien professeur d’université, un jeune DJ et peut-être même un ancien joueur des Girondins venus acheter leurs huîtres fraîches. C’est ça, l’esprit Chartrons.
Street art, galeries et culture vivante
Impossible de parler des Chartrons sans évoquer son amour pour l’art. De nombreuses fresques murales, souvent réalisées dans le cadre du festival L’Été Métropolitain ou d’initiatives locales, viennent colorer le quartier. Bien loin des graphiques ternes des villes anonymes, ici, chaque mur a son histoire.
Le musée du Vin et du Négoce, installé dans une ancienne cave, raconte ce passé commercial riche, avec une scénographie à taille humaine. Une belle entrée en matière avant de s’aventurer vers les plus jeunes galeries :
- La Galerie Cortex Athletico : spécialisée dans l’art contemporain, elle mise sur l’audace.
- Yellow Cube Gallery : un espace hybride qui mêle arts numériques et œuvres engagées.
- Le Garage Moderne, un peu plus au nord : tiers-lieu mi-atelier, mi-salle d’expo, toujours vivant et surprenant.
Les Chartrons, c’est aussi un haut lieu de débats, de conférences spontanées dans les cafés, d’ateliers d’écriture, de ciné-clubs… Des animations souvent relayées dans les petites affiches collées à la main. Loin du bling ou du marketing à outrance, c’est du local, du vrai, du bricolé… et c’est tant mieux.
Une architecture entre tradition et renouveau
Ah, les façades en pierre blonde bordelaise ! Aux Chartrons, elles sont partout, et elles racontent toutes un chapitre différent. Les hôtels particuliers du XIXe siècle côtoient les maisons étroites de marchands. Si l’on y prête attention, on peut encore voir les anciennes enseignes gravées dans la pierre, ou les linteaux horizontaux indiquant des dates de construction parfois incroyablement anciennes.
Au détour d’une ruelle pavée, on tombe sur un immeuble réhabilité avec goût, aux balcons filants en fer forgé. Les contrastes sont marqués, mais harmonieux. Même les projets immobiliers récents essayent (souvent) d’épouser l’âme du quartier, en réutilisant des matériaux d’origine ou en préservant des arbres centenaires dans les cours intérieures.
Pas étonnant que de nombreux Bordelais rêvent d’y habiter — même si, ne nous mentons pas, les prix de l’immobilier suivent aussi cette tendance.
Les Chartrons côté sport : et les Girondins alors ?
Vous pensez que ce quartier n’a rien à voir avec le ballon rond ? Détrompez-vous ! Ce n’est pas ici que se trouve le Matmut Atlantique, certes, mais plusieurs figures emblématiques des Girondins ont choisi les Chartrons comme lieu de vie à la retraite. La proximité des quais pour les joggings matinaux, la tranquillité des rues le soir, les bonnes tables à deux pas : tout pour plaire à un ancien joueur ou à un passionné de foot.
Et puis, c’est aux Chartrons que se trouve le mythique Café Brun, où les discussions post-match s’enflamment autour d’un demi de bière bien tiré. Ici, on refait souvent le match du week-end, en débattant des choix tactiques, des rumeurs de transferts ou des résultats de la réserve U19. Parfois, on croise même Gabin Morel (eh oui) en pleine conversation passionnée avec un vieux supporter qui se souvient encore du but de Giresse en 1985…
Conseils pour une visite réussie
Envie d’explorer les Chartrons sans tomber dans les pièges touristiques ? Voici quelques astuces :
- Évitez les heures de pointe le week-end, surtout autour du marché ou des quais.
- Louez un vélo pour longer les berges et découvrir les ruelles moins fréquentées.
- Flânez sans plan : le meilleur moyen de découvrir une boutique cachée ou une cour intérieure oubliée.
- Entrez dans les librairies indépendantes et parlez avec les propriétaires. Ils ont toujours une anecdote locale à raconter.
Les Chartrons se méritent. Ce n’est pas le quartier où tout est écrit sur des panneaux ou dans les guides officiels. Il faut fouiller derrière les murs, s’asseoir à une terrasse discrète, oser pousser la porte d’un atelier d’artiste. Et surtout, rester curieux.
Un barrio qu’on n’oublie pas
Si Bordeaux est une ville polymorphe, les Chartrons en sont sûrement l’un des visages les plus authentiques et les plus attachants. À la fois populaire et créatif, chic et simple, le quartier assume fièrement son identité double. Il a su évoluer sans se trahir, et c’est sans doute ce qui explique son succès auprès des Bordelais comme des visiteurs.
Alors la prochaine fois que vous passerez par Bordeaux, laissez le miroir d’eau de la place de la Bourse pour une autre fois. Traversez un peu vers le nord, mettez vos plus belles baskets, et partez explorer le barrio Chartrons. Vous verrez : ça sent la gaufre maison, ça parle avec les mains, ça vend des vinyles sur les trottoirs, et surtout, ça se vit.
Et qui sait ? Peut-être croiserez-vous un ancien des Girondins en train de siroter un café noir, le regard perdu entre passé et avenir. Parce qu’aux Chartrons, on ne fait jamais vraiment table rase. On compose avec la mémoire, tout en dessinant demain.