Dans le Sud-Ouest, on ne plaisante pas avec les traditions. Que ce soit dans les tribunes du Matmut Atlantique ou autour d’un bon repas, les passions sont nombreuses et bien ancrées. Parmi elles, deux joyaux liquides attisent la curiosité (et parfois les débats) : l’Armagnac et le Cognac. Tous deux issus de la distillation du vin, ces spiritueux sont souvent considérés comme des cousins. Pourtant, chaque amateur le sait : ils n’ont ni le même goût, ni la même histoire, ni le même terroir.
Alors, Armagnac ou Cognac ? Plutôt Stade Montois ou Stade Rochelais ? Évidemment, tout est une affaire de préférence… mais pour choisir, encore faut-il comprendre ce qui différencie réellement ces deux trésors du Sud-Ouest. Enfilez votre béret (ou votre écharpe marine et blanche), et découvrons ensemble les subtilités de ces eaux-de-vie pas comme les autres.
Deux terroirs, deux identités fortes
L’Armagnac et le Cognac trouvent leurs origines dans deux régions bien distinctes, toutes deux situées dans le Sud-Ouest de la France, mais avec des particularités géographiques et climatiques qui influencent énormément le produit final.
L’Armagnac est produit principalement en Gascogne, dans un triangle formé par le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne. C’est une terre plus « rurale », plus confidentielle, où l’authenticité prime. Si vous avez déjà parcouru les marchés de campagne du Gers, vous savez de quoi on parle. Ici, les vignerons distillent souvent eux-mêmes leur production, parfois même de manière itinérante, avec les célèbres alambics ambulants. Une tradition vivante, à la fois rustique et poétique.
Le Cognac, quant à lui, est produit aux alentours de la ville du même nom, en Charente et Charente-Maritime. C’est une région plus exposée au monde extérieur, historiquement tournée vers l’exportation. Les grandes maisons (Hennessy, Rémy Martin, Martell…) y règnent, et ont façonné l’image de ce spiritueux comme un produit haut de gamme, souvent associé au luxe international.
Une différence fondamentale : la distillation
Voilà sans doute l’aspect technique le plus distinctif entre les deux.
Cognac est distillé deux fois dans des alambics à repasse en cuivre. Ce mode de distillation permet d’éliminer une plus grande partie des composés lourds, donnant une eau-de-vie plus fine, plus légère et souvent considérée comme plus « ronde » en bouche. C’est aussi ce procédé qui permet au Cognac d’avoir cette robe élégante et ces parfums de fruits secs et bois précieux que l’on retrouve dans les assemblages bien vieillis.
Armagnac, lui, est généralement distillé une seule fois, dans un alambic continu, plus traditionnel. Résultat : une eau-de-vie plus expressive, plus rustique, souvent chargée en arômes floraux, épicés, voire empyreumatiques (comprenez : des notes grillées, fumées). Certains diront que l’Armagnac a « plus de caractère », d’autres que le Cognac est « plus accessible ». Chacun son école !
Des cépages différents (ou presque)
Autre nuance importante : les raisins utilisés. Les deux utilisent principalement l’Ugni Blanc, un cépage résistant et pauvre en sucre, idéal pour la distillation. Mais là où le Cognac limite ses cépages à une poignée très restreinte, l’Armagnac se permet plus de fantaisie.
Outre l’Ugni Blanc, l’Armagnac peut aussi être élaboré à partir de :
- Baco 22A : un cépage hybride typique de Gascogne, résistant au phylloxéra, donnant des arômes riches
- Folle Blanche : le plus ancien cépage pour Armagnac, très aromatique
- Colombard : très floral, souvent utilisé en assemblage
Cette diversité permet aux producteurs d’Armagnac une palette plus large pour exprimer leur terroir et leur savoir-faire.
Et le vieillissement dans tout ça ?
Le vieillissement est un élément clé de l’identité des deux spiritueux, et là encore, on observe quelques variations.
Dans le Cognac, le vieillissement se fait exclusivement en fûts de chêne français, principalement du Limousin ou de Tronçais. Les classifications bien connues du grand public sont :
- VS (Very Special) : au moins 2 ans de vieillissement
- VSOP (Very Superior Old Pale) : au moins 4 ans
- XO (Extra Old) : au moins 10 ans depuis 2018 (contre 6 ans auparavant)
De son côté, l’Armagnac n’est pas en reste. Même méthode de vieillissement (en fûts de chêne), mais les classifications peuvent parfois prêter à confusion car elles varient légèrement :
- VS : minimum 1 an
- VSOP : minimum 4 ans
- XO : minimum 10 ans
- Hors d’âge : plus de 10 ans, souvent bien plus dans les faits
Mais l’un des grands charmes de l’Armagnac est la tradition des millésimes. Contrairement au Cognac (qui repose majoritairement sur des assemblages), l’Armagnac est souvent vendu avec son année de distillation, à l’image d’un bon vin. Parfait pour un cadeau personnalisé… ou pour célébrer la dernière montée de nos Girondins (soyons patients, elle viendra bien un jour !).
Un marché mondial vs une production plus confidentielle
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le Cognac s’exporte à plus de 97 % dans le monde entier, notamment vers les États-Unis, la Chine et les pays nordiques. Il bénéficie d’une image de marque internationale, soigneusement entretenue par les grandes maisons et une communication haut de gamme.
À l’inverse, l’Armagnac, plus modeste dans sa production (seulement 6 millions de bouteilles contre plus de 200 millions pour le Cognac !), garde un ancrage régional beaucoup plus fort. C’est le secret bien gardé du Sud-Ouest, un produit de connaisseurs, de ceux qui aiment creuser, goûter, et parfois aller à la rencontre du producteur. Un peu comme découvrir un talent brut en Ligue 2 et le suivre jusqu’à la montée en Ligue 1, non ?
Quel alcool pour quelle occasion ?
On vous voit venir : « D’accord, on a compris les différences… mais moi, je bois quoi, et quand ? ». Pas de panique, voici un petit guide pratique pour vous orienter.
- Pour un digestif raffiné : optez pour un Cognac XO, à déguster lentement dans un verre tulipe, au coin du feu ou à la suite d’un dîner chic.
- Pour un apéro rustique entre amis : un vieux Armagnac ou même un Blanche d’Armagnac rafraîchissante (non vieillie), servie bien fraîche. Parfait avec une planche de charcuterie gasconne.
- Pour célébrer un événement marquant : misez sur un millésime d’Armagnac correspondant à l’année de l’événement (naissance, mariage…). Un cadeau toujours apprécié et hautement symbolique.
- Dans un cocktail : le Cognac est plus souvent utilisé, notamment dans les classiques comme le Sidecar ou le Sazerac. Mais l’Armagnac, bien dosé, apporte une note de terroir intéressante pour les barmen curieux.
Anecdotes savoureuses à connaître
Parce qu’on aime bien avoir des petites histoires à raconter autour d’un verre, voici quelques anecdotes croustillantes :
- Napoléon Ier était un grand amateur d’Armagnac, qu’il faisait distribuer à ses officiers pour leurs mérites sur le champ de bataille.
- Le Cognac est parfois surnommé « l’or liquide de France » par les marchands asiatiques, tant il est prisé en Chine et au Japon.
- Il existe un « Train de l’Armagnac » qui circule dans le Gers chaque automne pendant la période de distillation. Une balade ferroviaire à travers les vignes, agrémentée de dégustations. Oui, on sait, c’est tentant !
Alors, Armagnac ou Cognac ?
Tout comme on ne choisit pas entre Moutet ou Trésor, il n’est pas question ici de déclarer un vainqueur absolu. L’Armagnac et le Cognac ont chacun leur caractère, leur histoire et leur place à table comme dans le cœur des amateurs.
Que vous soyez plutôt amateur de finesse ou avide de robustesse, fan des hautes sphères des spiritueux ou fidèle aux petits producteurs locaux, il y aura toujours un Armagnac ou un Cognac pour vous séduire.
Et si vous êtes de passage en Nouvelle-Aquitaine, profitez-en pour aller goûter quelques crus sur place. Rares sont les régions où l’on trouve autant de richesse dans un simple verre. Du vin au football, de la gastronomie à l’histoire, notre Sud-Ouest n’a pas fini de faire parler de lui.
Alors, à votre santé… et Allez Bordeaux !